Saint-Nazaire : la réplique d’une frégate de 200 ans offerte à la ville par un habitant

Transmise de génération en génération, cette maquette exceptionnelle sera dévoilée pour la première fois au public lors des Journées européennes du patrimoine, puis exposée à la Médiathèque Etienne Caux.

C’est d’abord un objet de bois, de cordages et de finesse, mais c’est surtout une histoire, fami­liale et collective, qui viendra bientôt s'inscrire dans le hall de la médiathèque Etienne Caux à Saint-Nazaire. La maquette, splendide réplique d’une frégate du dernier quart du XVIIIᵉ siècle, a été donnée à la Ville par Stéphane Nouvel, ingénieur retraité des chantiers, et Nazairien depuis quarante ans. Héritée de son arrière-grand-père, elle a longtemps vécu au sein de la famille avant que devenu grand-père à son tour, il décide que sa place était dans l’espace public. « Mon arrière-grand-père vivait dans le Dauphiné, plus exactement à Saint-Marcellin » nous confie-t-il en contemplant la coque de 1,60 mètre. « Né là-bas, il en a été maire, puis député. Nous avons aussi appris qu’à l’époque il était très proche d’un Nazairien très connu, Aristide Briand » ajoute-t-il. Un tissage de mémoires autour de l'histoire de la construction navale, qui vient aujourd'hui jeter l'ancre dans le patrimoine collectif municipal.

La frégate, navire de l’Atlantique et des Amériques

Peut-être est-ce ce navire qui a guidé le généreux donateur vers la construction navale et les Chantiers de l'Atlantique ? Pour en savoir un peu plus sur l'origine de la réplique, celui-ci a contacté le musée de la Marine à Paris, qui a donné son verdict. Il s'agit d'une frégate 12 datant des années 1790, c'est à dire un navire portant des canons de 12 livres. À l’instar de l’Hermione, elle incarne le savoir-faire naval de la fin du XVIIIᵉ siècle qui a illustré les grandes traversées et expéditions. Elle fut le bateau des missions vers les Amériques, le messager des guerres et des libérations. Cette réplique-ci, dont l’auteur reste inconnu, témoigne de cette histoire. Sa figure de proue dénudée est en outre une rareté audacieuse pour l’époque. C'est véritablement un don exceptionnel qui est fait aujourd'hui à la Ville de Saint-Nazaire. « Les dons que nous recevons concernent le plus souvent des documents, ou sont effectués suite à des appels autour de grands événements » indique Michel Ray, Adjoint à la culture à la ville de Saint-Nazaire. Celle-ci possède déjà une riche collection de rang musée de France, « collection à laquelle la Ville tient comme à la prunelle de ses yeux » insiste l'élu.

Une place singulière dans une médiathèque

La responsabilité de préserver un tel objet impose une démarche rigoureuse. Après sa courte apparition de septembre, la frégate sera restorée par une spécialiste tourangelle des maquettes navales. Elle reviendra ensuite trôner, sous une cloche de verre, dans le hall de la médiathèque Étienne Caux. Ce choix est mûrement réfléchi. « C’est un hommage rendu à la culture scientifique et technique à Saint-Nazaire » insiste Pascal Thibault, directeur de la médiathèque. L’établissement conserve déjà un riche fonds maritime constitué de plus de 3 000 ouvrages sur la construction navale, dont un précieux don des Chantiers de l’Atlantique effectué en 1973. Autant d'ouvrages techniques qui dialoguent avec l'imaginaire littéraire des récits de mer. Pour le donateur, c'est aussi une manière de célébrer la mer sous ses formes les plus romantiques. Musicien au Conservatoire Boris Vian, il imagine l’arrivée de la frégate sur les notes de la cantate “Mer calme et heureux voyage” de Beethoven. « Et comment ne pas songer aux Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand et à son voyage en Amérique ? » s’interroge de son côté Pascal Thibault. Une maquette dans une bibliothèque, c'est rare, mais ce n'est pourtant pas incongru. La maquette de l'Aurore, par exemple, est visible à la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris. Une réplique de bateau négrier commandée par Mirabeau est également exposée à la Bibliotèque de France. Des objets qui libèrent tout un imaginaire autour des récits de traversée, des poésies sur la mer, et la promesse d’aventures.

Réservez votre visite aux Journées Européennes du Patrimoine

Le voile sera levé sur la frégate à l'occasion des Journées Européennes du Patrimoine. Le vendredi 19 septembre à partir de 18h, elle sera inaugurée dans le hall de la Médiathèque devant le public convié à l'événement. D'autres visites, sur réservation, sont également programmées le samedi 20 septembre 2025 durant toute la journée. La médiathèque proposera également des visites de ses réserves composées de près de 40 000 ouvrages, dont certains remontent au 17ème siècle. « Cette année, la découverte exceptionnelle des réserves habituellement fermées au public mettra à l'honneur les ouvrages du 18ème siècle ainsi que les fonds anciens et contemporains consacrés à la mer, à la navigation et à la construction navale » indique la médiathèque. Les visites d'une durée de 1h sont gratuites sur réservation au 02 44 73 45 60.

Quand l’imaginaire vogue avec l’histoire

La frégate n’est pas seulement un objet patrimonial : elle convoque l’imaginaire des voyages, des expéditions et des récits maritimes. Stéphane Nouvel, musicien au Conservatoire Boris Vian, rêve déjà d’associer sa présentation à la cantate Mer calme et heureux voyage de Beethoven. Pour Pascal Thibault, elle suscite immanquablement des résonances littéraires : des Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand à tant de poèmes marins, la mer et ses navires hantent la culture universelle. À Saint-Nazaire, ville-phare de la construction navale, cette frégate miniature vient désormais enrichir le patrimoine commun, promesse d’émerveillement et de mémoire partagée.