Saint-Nazaire : quels secrets renferme la tour mystérieuse de la Médiathèque ?
Au-dessus des espaces publics de la Médiathèque Etienne Caux, plusieurs étages fermés au public abritent pourtant de véritable trésors...

Elle intrigue de l'extérieur, avec ses minuscules lucarnes étroites qui ne laissent rien deviner de ses mystères. Et de l'intérieur, impossible pour le public de trouver un quelconque passage dérobé qui mènerait dans ses hauteurs. La tour de la Médiathèque est-elle une nouvelle version de Poudlard ? Est-elle aussi dangereuse que dans le monastère bénédictin d'Umberto Eco ? Pour le savoir, nous avons posé la question à Pascal Thibault, Directeur des bibliothèques de Saint-Nazaire, qui nous a accompagnés lors d'une visite.
Reconstituer la bibliothèque idéale du 19e siècle
Avant d'être autorisé à mettre le pied dans la tour, un petit retour en arrière s'imposait pour comprendre l'histoire du bâtiment. Arrivé en janvier 2023 à la direction de la Médiathèque, Pascal Thibault a remonté le cours du temps. « En 1943, la bibliothèque de Saint-Nazaire est bombardée. Tout est détruit excepté 250 livres que des enfants ont emmené en colonies de vacances » explique-t-il. La bibliothèque est alors transférée temporairement à Pornichet dans la Villa Odette. C'est depuis ce lieu que le bibliothécaire de l'époque, un certain Monsieur Fleury, décide de la reconstituer. « Il a acheté en 1946 tout un fonds de livres anciens pour recréer une sorte de bibliothèque idéale du 19e siècle » poursuit Pascal Thibault. À la même époque, les bibliothèques qui n'avaient pas eu à subir les dommages de la guerre suivaient le chemin inverse, et se débarrassaient de leurs vieux ouvrages pour se tourner vers des lectures plus modernes.



La nouvelle bibliothèque inaugurée en 1973
Dans les années 50, la bibliothèque est transférée au Jardin des Plantes. « Mais à l'époque, on la trouvait trop loin des quartiers » poursuit le Directeur de la Médiathèque. Une réflexion est très vite entamée. Pascal Thibault a pu retrouver des ébauches de plans datant de 1962, des correspondances, dont l'une avec le maire de l'époque François Blancho qui répond « Ma priorité, ce sont les écoles à reconstruire ». C'est finalement en 1973 que sera inauguré le bâtiment actuel. C'était encore l'époque du prêt indirect, où l'on remplissait une fiche pour que la bibliothécaire aille chercher les livres. Puis vint une première rénovation en 1989, avec la création de la mezzanine et la fin du prêt indirect, et l'arrivée des automates en 2011. « Depuis les années 1970, la place n'a jamais manqué. Et tous les documents les plus anciens sont aujourd'hui conservés dans la tour, dans des pièces ventilées à température constante, à l'abri de la lumière directe » explique-t-il. Environ 40 000 documents, le plus ancien datant du début du 17e siècle, plus de 400 livres antérieurs à 1830 ! Et des pépites en tous genres qui dorment depuis des décennies sur les étagères.

Un étage fantôme
Comme dans un récit fantastique, la tour de la médiathèque détient aussi sa part de secret, avec un 4e étage fantôme manquant. Encore un mystère à éclaircir… On y retrouve tous les documents acquis entre 1946 et aujourd'hui : des romans, des ouvrages de sciences naturelles, d'histoire, des récits de voyage, 5 000 exemplaires de feuillets révolutionnaires qui étaient vendus ou distribués dans les rues. Le livre le plus ancien a été écrit en 1607 par Monseigneur Tillet, évêque de Meaux, et traite de l'histoire des rois de France. « Les livres les plus anciens sont très bien conservés, car le papier chiffon de l'époque était fabriqué à partir de tissu. La pâte à papier est apparue plus tard dans la première moitié du 19e siècle, et l'ajout de produits chimiques peut piquer les livres de cette époque de rousseurs » explique-t-il.

Des œuvres complètes signées de la main de Colette
On pourrait passer des heures à ouvrir chaque livre, examiner chaque couverture et reliure. C'est ce qu'a entrepris Pascal Thibault depuis son arrivée. « Mon souhait serait de pouvoir les rentrer au catalogue, pour permettre au public de les consulter sur ordinateur » explique-t-il. Pour le directeur, ces livres ont peu d'intérêt marchand, mais leur valeur réside dans la ressource offerte par le fonds documentaire pour des recherches, des prêts pour des expositions. Il a pu découvrir dans les rayonnages des ouvrages signés de la main de Colette, de Louis-Ferdinand Céline, des journaux de commerce de 1811, des livres d'artistes, des livres illustrés, des ouvrages avec des ex-libris et les armes des familles, tous les magazines et revues conservés par la bibliothèque depuis 1946, un incroyable fonds technique donné par les Chantiers de l'Atlantique de 1904 à 1930, des manuels oubliés par les Allemands après la libération, et toute la correspondance de Monsieur Fleury. Notamment cette lettre datée de 1946, où il refuse d'interdire l'accès aux livres aux tuberculeux.

Rendez-vous aux Journées du Patrimoine
Sur plusieurs niveaux, nous continuons cette incroyable visite jusqu'au 7e étage, puis jusqu'aux fondations de la tour dans les sous-sols. Nous découvrons le fonds régional, des dessins de presse, des ouvrages techniques ou politiques, toute la presse quotidienne régionale depuis 1971, des disques vinyles une collection de livres en anglais « probablement la bibliothèque de la Croix-Rouge durant la Première Guerre mondiale » indique Pascal Thibault. Et encore des milliers de documents pas encore identifiés. « Nous ouvrirons pour la première fois la Tour aux visites lors des Journées Européennes du Patrimoine en septembre prochain. Il s'agit vraiment d'un fonds documentaire peu commun » insiste le Directeur de la Médiathèque. Les visites s'effectueront par petits groupes et seront guidées. N'oubliez pas de prendre vos gants pour feuilleter les pages, on ne sait jamais…






