Saint-Nazaire : à 34 ans, Thomas Debray reprend le flambeau de la ferme bio du Pré des Champs
Dans la famille Geffroy depuis 2 générations, la ferme de l'Immaculée sera transmise au premier janvier au jeune agriculteur en reconversion.

En 1900, le Syndicat Agricole de l'Immaculée comptait 198 adhérents. En 2024, il ne restait que 77 fermes sur tout le territoire de la Carène, avec ⅓ des exploitants âgés de plus de 55 ans. C'est donc peu dire que lorsque l'heure de la retraite approche, la transmission constitue un défi majeur pour tous ces agriculteurs, et un parcours semé d'incertitudes pour bon nombre d'entre eux. Et pourtant, malgré une baisse continue du nombre d'exploitations, il existe encore aujourd'hui des jeunes qui se lancent. Par choix, et avec envie. Thomas Debray a quitté les bureaux d'étude pour se former sur le tard à ce métier passion. Il succédera dès le 1er janvier 2025 à Alain Geffroy. Un choix de vie, de valeurs, et une envie de concret pour le premier. L'accomplissement d'un but, le soulagement de voir se perpétuer son travail pour le second. Et l'aboutissement pour les 2 hommes, de plusieurs mois de travail et de partage côte à côte.
De 6 à 145 hectares
Sur la route des Carrois de Cuneix, la ferme du Pré des Champs a bien changé depuis que les parents d'Alain s'y sont installés en famille après la guerre. « Mes parents Fernand et Marie-Thérèse étaient tous deux jeunes orphelins à 19 ans. En 1953, ils ont créé la nouvelle ferme du Pré des Champs sur les ruines d’une bâtisse » raconte Alain Geffroy. Avant-dernier d'une fratrie de 7 enfants, dans une famille de paysans depuis des générations dont on peut remonter la trace à Saint-Nazaire jusqu'en 1680, il est le seul à vouloir reprendre l'exploitation en 1985. Passée en 70 ans de 6 à 145 hectares, et de 4 vaches laitières à un troupeau de 100 têtes de vaches allaitantes d'Aubrac, la ferme s'est développée en quasi autonomie et en harmonie avec son environnement. La labellisation bio obtenue le 17 janvier 2000 fut le fruit d'un cheminement logique. Mais les 3 enfants d'Alain Geffroy ont choisi des parcours différents, « je ne leur ai jamais imposé de me succéder » indique-t-il. Il lui fallait trouver celui ou celle qui aurait la même étoffe. « Je me suis attaché à préserver une agriculture à taille humaine, solidaire, viable et durable, ouverte sur les attentes sociétales. C’est avec une grande satisfaction que je transmets mon entreprise à Thomas qui partage des valeurs similaires ».

Garder l'équilibre
Alain Geffroy a grandi puis vécu sur la ferme. Ce n'est qu'en 2021 qu'il décide de dissocier domicile et lieu de travail, pour se préparer à sa nouvelle vie de retraité, « c'était essentiel pour réussir à tourner la page » insiste-t-il. Originaire de Saint-Nazaire, Thomas Debray ne vivra pas non plus avec sa femme et ses enfants au sein de l'exploitation. « C'est une chance d'avoir un conjoint qui travaille dans un secteur différent. On parle beaucoup du bien-être de l'animal, mais on a parfois tendance à oublier celui du paysan » rappelle-t-il. Son épouse l'a toujours soutenu dans son projet. Tout d'abord en 2022, lorsqu'il décide de se reconvertir et de se former au métier d'agriculteur, après des années passées dans les bureaux d'étude d'environnement. Et plus récemment, lorsqu'il décide de reprendre la ferme. C'est pour ce même équilibre entre vie familiale et professionnelle, qu'Alain Geffroy avait fait le choix en 2008 de cesser la production laitière, au profit de la production de viande bovine et de la vente directe de proximité. « Je voulais voir grandir mes 3 enfants. Ne pas être dans la salle de traite quand ils partaient à l'école, et ne pas y être à nouveau le soir quand ils en revenaient » se souvient-il. Tout est aussi question d'équilibre lorsqu'on travaille la terre. Jusque dans le sol, « qui est avant tout un lieu de vie fondamental, qui donne une plante, qui nourrit une vache, puis nourrit le sol. Qui participe à produire des éléments équilibrés » insiste Alain Geffroy.

Une ferme aux portes de la Ville
En 40 ans, Alain Geffroy a développé l'élevage, la culture de céréales, d'orge pour les brasseurs locaux, la production d'électricité avec la pose de 585 m2 de panneaux photovoltaïques en 2010, ou encore la production de bois de chauffage depuis 2012 avec ses 20,5 km de haie sur la ferme, dont 2.5 km de haies plantés. Des revenus qui équilibrent le chiffre d'affaires de la ferme à 250 000 euros par an. Ses colis de viande sont vendus par BVB (Bretagne Viande Bio), ou directement à la ferme 1 fois par mois, « car un des gros atouts est d'être situé à la fois à proximité de la ville, et à la fois dans le parc naturel régionale de Brière » expliquent-ils de concert. Comme Alain avant lui, Thomas travaillera seul. Une question qu'Alain a bien étudié pour pouvoir consacrer 35 à 40h par semaine à la ferme, hors pics saisonniers, « cela est rendu possible avec des terres situées autour du siège d'exploitation, et des bâtiments bien organisés pour un gain de temps » décrit-il.

Partager pour avancer
Arrivé le 2 mai 2023 après avoir quitté son emploi, pour suivre un contrat de professionalisation, Thomas a pu bénéficier durant 7 mois du réseau de son aîné, membre depuis 40 ans de la Confédération Paysanne. Alain est également adhérent de la coopérative agricole Champs et Marais de l'Immaculée, qui mutualise la main d'oeuvre et le matériel. Il a introduit son successeur auprès de différentes associations agricoles, pour favoriser les synergies. « Le lien et le liant sont très importants. Il faut s'ouvrir et échanger. C'est aussi tous ensemble qu'il faut saisir les sujets de restructuration et d'installation des jeunes, deux sujets indissociables » insiste Alain Geffroy. Séduit pas le rythme de croisière de la ferme du Pré des Champs, Thomas s'inscrira dans la continuité d'Alain et ne prévoit pas de grands bouleversements immédiats, mais peut-être quelques pistes de diversification, « la production et commercialisation des céréales, qui pourrait aussi être un projet collectif, et nécessiterait un salarié » avance-t-il. En attendant une chose est sûre, les vaches d'Aubrac aux yeux magnifiques couleront encore de longs jours heureux sur la ferme du Pré des Champs.
