Menaces de mort envers le maire de Montoir-de-Bretagne : un procès public le 22 novembre prochain
Thierry Noguet attend un verdict à la hauteur de l'angoisse et du traumatisme subis durant plusieurs mois par lui et ses proches.

En septembre et octobre 2023, Thierry Noguet, maire de Montoir-de-Bretagne, reçoit une dizaine de messages anonymes extrêmement violents le menaçant de mort. Après plusieurs mois d'investigation, les enquêteurs ont pu retrouver l'identité de leur auteur. Ex-salarié de Yara à Montoir-de-Bretagne, aujourd'hui cadre dirigeant dans le Maine-et-Loire, celui-ci a reconnu les faits au cours de sa garde à vue, et sera jugé le 22 novembre prochain au tribunal de Saint-Nazaire. Thierry Noguet et sa famille, encore sous le choc d'une année éprouvante, espèrent pouvoir tourner la page, et tenter de se reconstruire après ce procès.
« Quand j'ai lu ce message, ma première réaction a été de pleurer »
« Quand tu te promènes, n'oublie pas de te retourner ». C'est l'une des premières menaces proférées il y a un an, et dont Thierry Noguet se souvient encore avec émotion. Une dizaine d'autres ont rapidement suivi, dans une escalade d'injures. La teneur des propos, la connaissance évidente des lieux et des personnes, ont l'effet d'un coup de poing sur le maire de Montoir-de-Bretagne. « Les premiers messages sont arrivés via Facebook et Messenger. Je savais qu'il serait long de remonter cette piste, avec des données aux USA » indique-t-il. Quelques semaines après, c'est un message adressé cette fois-ci sur la boîte mail de la mairie qui le pousse à porter plainte, « avec des propos dignes de Daech. Quand j'en ai pris connaissance, ma première réaction a été de pleurer » raconte-t-il la voix encore troublée. Le corbeau a usurpé l'email d'un salarié de Yara pour ce funeste envoi, mais l'accusé de réception reçu en retour a mis la puce à l'oreille de ce dernier. « L'ordinateur a été saisi. À la gendarmerie, j'hésitais encore à porter plainte. Après avoir enregistré mes déclarations, et pour remonter à l'adresse IP, il suffisait au gendarme d'appuyer sur le bouton » se souvient le maire de Montoir-de-Bretagne. C'est le déclic, il porte plainte, et la machine se met en marche à ce moment là.
Aucun risque ne pouvait être pris
Un peu plus de 3 mois après l'incendie visant le domicile du maire de Saint-Brévin, et dans lequel il aurait pu laisser la vie, aucun risque n'a été pris par le sous-préfet et les gendarmes, pour assurer la protection de Thierry Noguet et de ses proches. « Notre vie a basculé du jour au lendemain » se souvient-il en saisissant avec force la main de son épouse Raymonde. Un rapport de préconisation de 20 pages de la gendarmerie leur dicte alors au quotidien, heure par heure, la conduite à adopter. Interdiction de prendre les transports en commun, changer tous les jours de trajet pour se rendre en mairie, aménager la maison, placer des caméras, ne plus ouvrir les fenêtres, fermer les volets, n'ouvrir à personne… « J'attendais auprès du téléphone à chacun de ses trajets. S'il n'était pas parvenu à destination au bout de 15 minutes, je devais contacter la gendarmerie » indique Raymonde Noguet. Après ces longs mois, on ressent chez l'épouse du maire un besoin vital de parler, d'expliquer l'atmosphère anxiogène dans laquelle ils ont vécu. « Nous n'étions pas autorisés à divulguer le contenu des messages. Certaines personnes ne nous croyaient pas. Nous nous sommes isolés, je ne me sentais bien que cloîtrée à la maison » poursuit-elle.
On ne souhaite plus jamais vivre ça
Thierry et Raymonde Noguet sont restés soudés au cours de cette épreuve, et la détermination du maire n'a jamais fléchi. « Je n'ai jamais songé à démissionner » assure-t-il. Ils ne sont cependant pas sortis indemnes, leur vie sociale et familiale a été bouleversée. « Nous avons été privés de moments familiaux importants, comme la naissance de notre petite-fille. Nous nous sommes coupés socialement. Certains amis ne venaient plus, par crainte d'être mis en danger » se souviennent-ils. D'autres personnes au contraire, dans un comportement voyeuriste, ont multiplié invitations et sollicitations. Et puis il y a les soupçons qui vous rongent, le téléphone perquisitionné, la surveillance avec talkie-walkie la nuit, la liste des personnes qui pourraient vous en vouloir qu'on doit fournir aux gendarmes, « on en devient parano, on se serait cru dans un mauvais film de James Bond ». La vie de Thierry Noguet est perturbée jusque dans ses fonctions de maire, avec de nombreux rendez-vous auxquels il ne peut plus participer. « Nous avons voulu assister au spectacle de janvier. Nous n'avons pu nous y rendre qu'escortés et protégés, sans pouvoir aller à la rencontre de quiconque, avec la gendarmerie nous avertissant de la présence d'une dizaine de personnes potentiellement hostiles. C'était extrêmement oppressant » raconte-t-il. Alors qu'au même moment l'affaire de la disparition du jeune Théo Courcoux occupe tous les esprits, Le maire de Montoir-de-Bretagne prend sa décision. « Je préfère que vous employiez tous les moyens disponibles pour le rechercher » annonce-t-il aux gendarmes. À partir de ce moment, lui et son épouse se privent de toute sortie ou événement. Et puis en février, les gendarmes retrouvent l'auteur des menaces de mort.
La piste remonte jusque dans le Maine-et-Loire
« Quelques semaines avant l'arrestation, les gendarmes m'avaient prévenu qu'il ne restait que 3 personnes sur la liste de suspects » indique Thierry Noguet. L'étau s'est resserré petit à petit, jusqu'à un appel de la gendarmerie fin février. « On pense qu'on l'a retrouvé » lui apprennent-ils. Le 19 mars à 6h du matin, les gendarmes viennent cueillir le suspect à son domicile dans le Maine-et-Loire, et le conduisent jusqu'au commissariat de Saint-Nazaire. Placé en garde à vue, il reconnait les faits. « À cette nouvelle, j'ai instantanément été libéré d'un poids, c'était une sensation physique » soupire Thierry Noguet en appuyant, « Il s'agit d'une personne entièrement responsable de ses actes, et qui a fait d'autres victimes indirectes avec ses menaces ».
Un procès public le 22 novembre à Saint-Nazaire
Thierry Noguet attend avec impatience, et appréhende tout à la fois, le procès du 22 novembre. « Après tout ce que nous avons vécu avec ma famille, nous ne nous contenterons pas d'un simple rappel à l'ordre pour des faits aussi graves » affirme-t-il. Le procès sera public, et le maire espère le même soutien que celui reçu ces derniers mois. De la part des habitants, de tous les élus de la CARENE, et même en dehors du département, depuis la Corse et toute la France. Thierry Noguet l'avoue, il en fait des cauchemars à chaque nuit, et retourne en boucle, encore et encore, son arrivée au tribunal. « J'ignore comment cela va se se dérouler. S'il sera au moins là, si je vais devoir affronter son regard » explique-t-il. Le maire de Montoir-de-Bretagne se prépare psychologiquement à ce qu'il vit comme une ultime épreuve, « où je vais devoir revivre une seconde fois ces événements ». Avec l'envie de comprendre, mais sans jamais pouvoir effacer les dommages causés. Toujours accompagnée psychologiquement par un professionnel, Raymonde ignore elle-aussi si elle pourra laisser définitivement derrière elle cette période. « On dit que le mandat de maire est le plus beau des mandats, mais c'est aussi le plus dangereux, et on n'est pas préparé à ça. Encore aujourd'hui lorsque je vais au restaurant, dans un lieu public, je m'assois pour surveiller les entrées et sorties. Il ne faut jamais minimiser la gravité de ce qui s'est passé ».