Saint-Nazaire : de cheffe à domicile à l’ouverture de son restaurant, la belle aventure de Carmen

Le 9 décembre prochain, Carmen Olivaud ouvrira Le Cam's, restaurant fusion de cusine franco-caribéenne, avenue Albert de Mun.

Parfois, les restaurants sont bien plus que des tables, ils racontent des vies et des trajectoires. Celle de Carmen Olivaud, 40 ans, pourrait remplir un roman, de Kabic, la plage d’Haïti où elle a grandi et ouvert son premier restaurant, jusqu’à Saint-Nazaire où elle ouvrira le 9 décembre prochain son restaurant Le Cam's. Cette nouvelle adresse est située avenue Albert de Mun, à l'ancien emplacement de la crêperie La Musardière.

L'histoire commence à Kabic

L’histoire de Carmen commence là où d’autres passent seulement leurs vacances, sur la plage de Kabic, spot de surf réputé, mosaïque de langues et de cultures. Née en 1985 face à la mer, Carmen grandit au rythme des vagues. Chez elle, comme partout en Haïti, on cuisine ce que l’on cultive, ce que l’on pêche, ce que la terre et la mer offrent. Pas de four, pas de plaques, juste la flamme du bois. À 7 ans pourtant, une odeur inconnue change son horizon. Elle vient de la cuisine d'un couple de Français, Catherine et Olivier, qui préparent des pâtes, dans leur maison sur la plage. « Cela sentait si bon, l'odeur m'a attirée, je n'en avais jamais mangé » se souvient encore Carmen. Elle est déçue par le goût, mais ne peut s'empêcher de revenir le lendemain, attirée par la curiosité, « J'ai vu pour la première fois une gazinière, et goûté mes premières lasagnes ». Une révélation pour la petite fille, pour qui une porte s'ouvre. À compter de ce jour, la cuisine devient une quête, « je refaisais tout derrière ma mère » s'exclame-t-elle. Son plus beau cadeau, c'est sans doute sa première chaudière (une marmite à Haïti), qu'elle reçoit à l'âge de 10 ans. Celle qu'elle a choisi de reproduire sur son logo de cheffe à domicile.

Premiers apprentissages à Port-au-Prince

À 11 ans, sa famille l'envoie vivre dans une pension de famille à Port au Prince pour y aller à l'école. « Cela a été une vraie chance. Grâce à ça, je suis devenue ce que je suis » confie-t-elle. Carmen suit l’école hôtelière, travaille dans plusieurs restaurants, apprend sans relâche. Ce qu'elle désire plus que tout, c'est apprendre la gastronomie française. Alors de l'autre côté de l'océan, elle dévore les livres de cuisine, et suit Top Chef comme d’autres regardent des séries. La cuisine est son moteur, « son bébé ». Elle forge ses bases, elle rencontre Christian son mari, originaire de Trignac, avec qui elle vit maintenant depuis 17 ans. En 2017, Carmen ouvre enfin son restaurant Le Cam's à Kabic, un petit restaurant pour les locaux, les expats, les voyageurs, dont on trouve encore la trace et les photos ensoleillées sur internet. Mais Carmen rêve plus grand. Pour maîtriser la gastronomie française, elle doit y mettre les pieds. En 2019, alors que son pays s’enfonce dans la violence, elle prend une décision radicale avec son mari, partir en France pour continuer à apprendre. Elle suit alors un parcours intense : CQP, CAP cuisine, BP arts culinaires… Puis le concours mythique de Ferrandi, où elle décroche la 2e place parmi 3 000 candidats, grâce à un plat fusion qui porte déjà sa patte. Encore aujourd'hui, elle se dit reconnaissante envers tous ceux qui ont cru en elle, et l'ont aidée, comme au CFA à Saint-Nazaire, « j'y ai appris tellement de choses », ou encore au restaurant étoilé Anne de Bretagne, « où le chef m'a donné ma chance, et où j'ai découvert la cuisine gastronomique ».

Le Cam’s, de Haïti à Saint-Nazaire

Quitter Haïti n'a pas été un choix confortable. Le pays s’effondre. Carmen rêve d’ouvrir un restaurant d’application pour les jeunes dans son pays natal, mais la situation devient impossible. Pendant deux ans, elle se lance en France cheffe à domicile sous le nom « Les Secrets de Carmen ». En février dernier, sa mère décède. Aucun avion n’atterrit plus en Haïti. Carmen traverse la République Dominicaine, trouve un petit bateau, suit des routes dangereuses… pour rejoindre sa famille. De leur maison, il ne reste que des murs. « Les gens n’ont presque plus de quoi manger, c'est devnu l'anarchie et la loi du plus fort » dit-elle. Le 9 décembre, avenue Albert-de-Mun, Carmen ouvre la porte d’un nouveau chapitre. Le Cam’s garde quelque chose des restaurants de plage d’Haïti : poutres apparentes de pergola, papier mural évoquant Kabic, symboles vaudou vévé sur les tables, abats-jour tressés, et bientôt une façade aux couleurs caribéennes. Aux fourneaux, Carmen cuisine tout, absolument tout, de A à Z. Elle prépare même ses épices maison à base de paprika et curcuma séchés puis moulus. Piment végétarien guadeloupéen, citronnelle, combava, cives, thym… Sa fusion franco-caribéenne s’exprime dans une carte qu'elle souhaite simple et savoureuse, pour manger rapidement le midi. Les menus changeront chaque semaine, on y retrouvera des plats typiques de son pays : riz Djondjon parfumé au champignon introuvable hors d’Haïti, Griot de porc mariné, bananes pesées, pickliz, et côté douceurs, gâteau à la patate douce, ou encore crème brûlée aux fruits de la passion. Le restaurant sera ouvert le midi en semaine (entrée + plat + dessert à 25 euros, entrée + plat 20 euros). Le vendredi et le samedi soir, Carmen proposera des soirées tapas avec accras, punch, cocktails, et toute la cuisine qui fait chanter les Caraïbes. En parallèle, Carmen poursuit également son activité de cheffe à domicile.